Rapport Abouem à Tchoya

Publié le par ADDEC

L'UNIVERSITE VA MAL

Introduction.

  • Au regard de la vague de grèves qui a secoué les campus des Universités d’Etat du Cameroun au cours des mois d’avril et de mai 2005, il peut paraître superfétatoire de dire que l’Université camerounaise va très mal. Ces manifestations n’ayant été de toute évidence que l’expression du malaise généralisé auquel les étudiants camerounais sont confrontés dans la gestion de leur cursus et de leur survie.
  • L’Association pour la défense des Droits des Etudiants du Cameroun (ADDEC) à la suite d’une lettre adressée au Chef de l’Etat portant sur onze revendications et à partir de la grève de la faim engagée par ses leaders le 13 avril 2005, aura assumé la lourde responsabilité d’être à la source de cette dynamique de revendications. Son enjeu principal étant d’engager le Gouvernement du Cameroun à constater l’échec de la réforme universitaire de 93 et de poser les jalons d’une Université nouvelle sur une base concertée.
  • Les étudiants au cours de ces évènements ont expérimenté à grande échelle l’action collective avec ce qu’elle peut comporter de grandeur et de misère. Grandeur de la liberté, du rêve exprimé collectivement, de la solidarité vécue, de la peur exorcisée, de la non violence adoptée. Mais, surtout et finalement grandeur du progrès réalisé dans la construction du projet démocratique pour notre pays. L’autre face est pourtant noire. La révélation d’une gestion encore béquilleuse et anachronique du conflit social et la tentation de la barbarie: les étudiants morts de Buéa, le recours à la manipulation, à la répression, au dilatoire et à la corruption.
  • Les étudiants ont su demeurer à la hauteur des évènements et de l’histoire : ayant engagé la grève, ils ont également su l’arrêter. Marquant ainsi leur attachement patriotique aux institutions et au dialogue républicain auquel ils étaient finalement conviés par le gouvernement. La déclaration de trêve signée par l’ADDEC le 08 mai 2005 à l’amphi 501 de l’université de Yaoundé 1 aura occasionné une cessation progressive des manifestations sur les autres campus au cours des jours suivants.
  • L’acceptation de la logique de la négociation et du dialogue par le gouvernement, le déblocage d’une subvention de près de cinq milliards de francs cfa et la mise en œuvre de la mission ABOUEM par le Chef de l’Etat, auront en tout état de cause favorisé et justifié la détente observée. La période de trois (03) mois que le Gouvernement et les étudiants se sont accordés aux fins d’explorer les problèmes de fonds soulevés se révèlera déterminante et décisive.
  • Il importe pour l’ADDEC, au regard du rôle actif et central qu’elle a jouée dans le cours de la crise de porter un regard synoptique sur ses manifestations et de produire sa part d’intelligence de la situation et des défis de l’Université après ce tumultueux printemps.
    • Le Malaise dans la gouvernance.

a. Le dialogue biaisé.

  • Si le dialogue et la négociation ont finalement triomphé au terme de trois semaines de grève, il faut pourtant déplorer le peu de cas qu’en ont fait les autorités universitaires et de tutelle antérieurement et jusqu’à un certain moment critique de la crise. Car faut-il le dire, la grève n’a été qu’une conséquence de l’échec observé dans la gestion du dialogue social au sein des instituions universitaires depuis la réforme ; ce, sur fond d’ajustement démocratique et pluraliste de notre société.
  • La stigmatisation des grévistes de la faim, la manipulation de l’opinion, le recours à l’intimidation, à la répression, au dilatoire et à la corruption ont été les formes privilégiées d’approche de la crise tant au niveau universitaire que gouvernemental. C’est notamment la presse pluraliste qui a opposé un contre poids sérieux à ces manœuvres d’un autre temps. Manœuvres pourtant révélatrices de l’échec constaté dans l’ajustement de l’Université à la donne démocratique tant dans son fonctionnement, son organisation et sa gestion après la réforme universitaire et la loi d’orientation de 2001.
  • Les structures de dialogue mises en place au plan institutionnel, notamment celles associant les étudiants (Forum, CTS) ont eu pour seul mérite d’exister. Elles se sont révélées davantage vouées à une volonté de contrôle de l’expression des opinions et des comportements des étudiants. Leur soubassement étant d’ailleurs formé d’entités associatives peu représentatives, moribondes et en perte totale de légitimité.
  • Cette obsession sécuritaire et coercitive dans l’encadrement des étudiants était de nature à favoriser des replis à la marge, fragiliser l’intermédiation formelle et nourrir l’expression clandestine des frustrations. Lesquelles dans ces conditions étaient susceptibles d’échapper aux canaux officiels d’observation pour ne se révéler que de façon spontanée, brutale et généralisée.
  • En l’occurrence on comprendrait la « surprise » de « l’observateur » institutionnel face à la déferlante de la récente grève. Elle dont la manifestation traduit l’atteinte du seuil d’accumulation critique des contradictions, des échecs et des ressentiments rendus inévitables par d’autres maux plus profonds de l’Enseignement Superieur au Cameroun.

b. Une bureaucratie routinière et inadaptée.

  • L’Université au regard de ses missions est assimilable à une vaste industrie vouée à l’absorption, à la production et à la circulation de la connaissance. Sa gestion doit par conséquent obéir à un impératif de créativité qui suppose flexibilité, interactivité, réciprocité et interdépendance entre acteurs impliqués dans cette vaste entreprise. Bref des qualités relationnelles dans le management qui nous semblent tout à fait contraires au modèle bureaucratique en vigueur dans nos universités calqué notamment sur celui des institutions publiques ordinaires.
  • En effet, le terme bureaucratie évoque généralement l’idée de rigidité, d’autoritarisme, de mécanicité ou de routine, qui s’accompagne d’incompétence, d’hostilité au changement, de paperasserie. Elle consacre un rapport aux ressources essentiellement redistributrice et non créatrice et dynamiste. Il y’a donc lieu de revoir totalement le modèle d’organisation applicable à nos Universités.
  • Le passage à un système organique, qui valorise la participation, la concertation et la consultation dans la prise de décision et la compétence dans l’attribution des rôles et l’optimisation des tâches à la base de l’échelle de production (les départements) nous semble tout à fait indispensable et salvateur pour l’amélioration de la gouvernance universitaire. D’où l’urgence d’une nouvelle réforme administrative qui devrait :
  • Alléger l’organigramme des Universités en supprimant un certain nombre de postes budgétivores (vice-recteurs, vice- doyens etc…)
  • Créer le poste de Président d’Universités placé à la tête du Conseil d’Administration d’Université et désigner par voix d’élection.
  • Créer les postes de Directeurs Généraux d’Université avec profil de manager accessible sur appel à candidature.

II. Le Malaise dans le financement.

  • Un budget sans objectifs.
  • Un diagnostic pertinent sur cette question a été fait il y’a huit ans, par des enseignants de l’Université de Yaoundé 1 pour le cas précis de cette institution dans le cadre d’un rapport d’évaluation de la réforme de 1993. Force est de constater que les insuffisances signalées par ce rapport auraient pu également être relevées partout ailleurs et qu’elles se sont démultipliées après tant d’années.
  • Les ratios de financement de l’enseignement et de la recherche sont demeurés autour de 1%, les investissements à 2 % tandis que les dépenses récurrentes et de personnel absorbent près de 95% du budget. Ces données illustrent d’ailleurs à souhait l’immobilisme caractéristique de la structure et des données budgétaires et la gestion routinière qui en découle.
  • A quoi ont finalement servi près de douze années d’imposition de frais de scolarité aux étudiants ? Où est allé l’argent des étudiants ? Cette façon fort simple de s’interroger rend bien compte d’un fait : les étudiants se plaignent de n’avoir tirer aucun profit particulier de leur apport. Avec des laboratoires sans matériels, des bibliothèques vétustes, des œuvres universitaires moribondes, ils exigent d’y voir plus clair.

b. Une réforme vers une taxe universitaire.

  • En tout état de cause, une absence totale de créativité dans la conception et l’élaboration de la politique budgétaire des Universités publiques à conduit au dépassement du seuil critique des possibilités maxima de l’infrastructure disponible qui est soumise à une (re) pression disproportionnée.
  • La réforme de la structure budgétaire des Universités s’avère par conséquent une nécessité. Elle aboutirait notamment à la séparation du budget académique du budget non académique et à la différenciation des caisses autant que des sources de financement et du mode de gestion de chacun des budgets. L’option de la décentralisation étant de mise avec l’adoption que nous avons préconisée plus haut d’un système organique de gouvernance. Mieux, l’Université devrait retourner dans le portefeuille de l’Etat et son budget discuté et défendu à l’Assemblée Nationale.
  • L’institution d’une taxe universitaire constitue l’idée novatrice que nous proposons comme alternative au système actuel de financement de l’Enseignement. Son principe étant d’engager la solidarité nationale par le biais d’une contribution directe au soutien du développement d’une intelligence nationale capable d’intégrer les défis de la mondialisation. La définition des mécanismes les plus appropriés pour la mise en œuvre d’une telle taxe devrait par conséquent faire l’objet d’une réflexion et d’une proposition soutenues au sein d’instances appropriées.

III. Le malaise académique et culturel.

  • L’échec massif
  • La mesure du rendement du système universitaire camerounais rend compte également de la prévalence de l’échec académique et du taux important de redoublement et d’abandon. Ces échecs constituent une source importante de frustrations, de démotivation et de ressentiments qui ont fini par installer un climat de violence dans les rapports entre étudiants et enseignants.
  • Ainsi comment peut-on s’étonner que le foyer de la contestation à l’Université de Yaoundé1 se trouve en Faculté des Sciences (baptisée cimetière des intelligences) où justement on note l’un des taux d’échec le plus élevé du Cameroun. Aux conditions déplorables d’encadrement déjà relevées, viennent s’ajouter les incohérences et l’inefficience du système d’unité de valeurs et le caractère erratique des programmes.
  • Nous renvoyons à cet effet aux analyses présentées dans le rapport d’évaluation de 97 dont les données statistiques nous semblent assez proche de la situation actuelle. Sauf qu’à ce jour il serait intéressant de mesurer l’impact du passage au système modulaire en recherchant une solution qui puisse effectivement favoriser une pédagogie du succès.
  • D’autre part, l’étude de l’impact de la pauvreté des étudiants sur le rendement interne de l’Université nous apparaît essentiel. Ils sont pour la plupart amenés pour garantir leur survie, à se livrer à des activités diverses et concurrentielles au grand dam de leurs études. La motivation académique finissant par décliner au profit des préoccupations de survie.

b. L’échec culturel

  • Après quarante ans d’existence de l’Université dans notre pays, il est important de voir si nous sommes effectivement parvenu à assimiler et à nous approprier cette institution. Ou plutôt à voir dans quelle mesure elle est effectivement devenue une INSTITUTION dans notre société. En effet, quels comportements, quelles relations les agents de ce milieu développent et nouent entre eux et avec le reste de la société ? Et dans quelles mesures leurs attitudes rendent-elles compte d’une culture spécifique et authentique qui les relie à l’universel.
  • La vie de la pensée à travers une dynamique de socialisation culturelle est certainement la condition sine qua non de mise en perspective de la fonction de l’Université pour les étudiants qui y accèdent.
  • Autant de problèmes posés, d’ailleurs déjà connus, appellent en quelque sorte à une espèce de Plan Marshall pour nos Universités.
  • La valorisation du rôle de la société civile universitaire pourrait exonérer l’Etat d’avoir à développer seul un plaidoyer favorable au développement de l’Enseignement Supérieur auprès des bailleurs de fonds. Car il est important que le problème de l’Université devienne un problème national et de politique intérieure.

IV. Conclusion

  • La vocation de ce document ne pouvait être en aucune mesure de surprendre. La mission qui a fait le tour en adoptant une méthodologie d’écoute et d’échanges avec tous les acteurs du milieu universitaire a certainement recensé les éléments saillants de la crise universitaire dans notre pays. Et nous sommes convaincus de ce que toutes ces choses ont déjà été dites par le passé.
  • La crise de l’Université parce qu’elle est la crise de l’intelligence menace davantage la stabilité de notre société projetée dans un espace mondial rudement compétitif. La crise de l’intelligence apparaît par conséquent bien plus redoutable que la crise économique qui mobilise tant d’efforts de réformes depuis près de vingt ans. Car étant susceptible de compromettre la constitution des autres facteurs de production que constituent le capital humain, le capital physique et le capital social.
  • En outre, les Universités comme a pu le révéler ce printemps, pourrait constituer une véritable poudrière d’autant moins contrôlable qu’elle façonne la frustration, l’exclusion et la révolte à grande échelle. En produisant plus de 80.000 révoltés, l’Université constitue un nid de violence qu’il faudrait assainir.
  • Au rythme actuel de l’accumulation des maux, est-il possible de s’attendre à ce que les solutions les plus concrètes et appropriées puissent être déployées à temps. D’où l’importance de renforcer le dialogue, la participation et la coopération entre les membres de la Communauté universitaire d’une part, entre celle-ci et l’Etat d’autre part.
  • L’Etat est en crise de confiance. La restaurer est essentielle. l’Association pour la Défense des Droits des Etudiants du Cameroun continuera à œuvrer dans le sens de la promotion d’un syndicalisme estudiantin responsable et citoyen de manière à assurer en tout temps un feedback efficace.

POUR L’ADDEC

LE PRESIDENT DU CONSEIL EXECUTIF NATIONAL

 MOUAFO DJONTU

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Visitez le site officiel de l'ADDEC :  http://www.addec.wb.st/

Publié dans RAPPORTS

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S
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A
un etudiant de ngoa ekelle membre de l`addec fuit le camer pr le usa pr les problemes politique abandonne ca famille et le school actuelement ce trouve a l`hopital blesses a maryland au nom de jucelin ou va le pays de biya?
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